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LE RAM AY AN A. 209

nous montre Sîtâ, protestant avec autant de fierté que de douleur contre des récriminations sans motifs et sans excuse :

Quand elle entendit, pour la première fois, cet affreux discours de son époux, en présence des troupes et des populations assem- blées, la princesse de Mithilà se courba, affaissée sous le poids de sa pudeur. La fille de Djanaka sentit tous ses membres se con- tracter et, frappée par ces paroles comme par des flèches aiguës, elle versa un torrent de larmes. Ensuite, essuyant son visage hu- mide, elle dit ces mots à Ràma d'une voix lente et entrecoupée: « Puissant roi, tu veux m'abandonner à d'autres, de même qu'une bayadère impure, moi qui, née d'une illustre race, fus mariée dans une famille illustre ! héros, pourquoi m'adresses-tu, comme à une épouse vulgaire, ce langage inouï qui froisse et déchire mon oreille? Guerrier aux longs bras, je ne suis point ce que tu penses; aie plus de confiance en moi; j'en suis digne: j'en jure par ta vertu même. On a raison de soupçonner celles dont la conduite est légère ; mais, pour peu que tu me connaisses, ô Ràma, com- ment peux-tu douter de moi? Si j'ai subi de trop près le contact de ton ennemi, je n'en suis pas moins innocente, et la destinée est seule coupable. La chose unique qui ^restât à ma disposition, mon cœur, n'a cessé de résider en toi; jamais je n'ai failli vis-à-vis de toi, même en pensée : puissent les dieux, nos maîtres, me pro- téger aussi efficacement que mes serments sont sincères ! O prince, si mon âme vouée au culte de l'honneur, si ma chasteté naturelle, si tant d'années d'une existence commune n'ont pas suffi pour me révéler à toi, un tel malheur me perd sans retour. Lorsque tu m'envoyas Hanoûmat dans cette cité de Lanka où j'étais prison- nière, pourquoi ne m'avoir point répudiée dès cet instant? Vaillant guerrier, délaissée par toi, soudain j'eusse délaissé aussi la terre à la vue de notre loyal allié. Tu n'aurais pas en vain affronté tant de fatigues ni exposé tes jours, et tant d'auxiliaires, armés pour ta querelle, ne se seraient point consumés en de stériles travaux. Mais, redoutable monarque, sous l'influence de la colère, voici que tu me reproches d'un ton frivole, quoi? ma seule qualité de femme. Bien que je passe pour être née d'un des sillons de la terre labourée, le roi Djanaka est mon père; or, ni mon rang, ni ma nature, ni ma conduite, tu n'as rien respecté en moi. Cette main que, si jeune, tu pressais dans ma jeunesse, tu oses la re- pousser; mon honnêteté, mon dévoûment, tu as tout oublié! »

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