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206 ÉTUDES SUR LA LITTÉRATURE SANSCRITE.

les autres, plus éblouissant que le feu, amplement fourni d'armes et de projectiles, solidement cuirassé, partout enri- chi d'or, et que traînent des coursiers à visage humain, d'une incomparable vitesse. Ràma est à pied et la lutte serait trop inégale : aussi, à la demande de tous les génies aériens, In- dra lui prête son char divin et son cocher Mâtali, qui figure dans beaucoup de poèmes et de drames indiens. Tous les dieux et tous les démons, avec une curiosité mêlée d'inquié- tude, contemplent ce duel suprême, où les deux adversaires rivalisent de bravoure et de sortilèges. Le prince d'Ayodhyâ lance flèches sur flèches au souverain de Lanka et le flétrit par ces paroles menaçantes :

« le plus vil des Ràkchasas, pour avoir entraîné ma compagne au fond des bois, en ces lieux tu seras châtié I Profitant d'un mo- ment où je l'avais quittée, tu me l'as enlevée, gémissante, insultée dans sa qualité d'anachorète, et tu te dis : « Je suis un héros ! » Tu n'exerces ton courage que sur des femmes sans défense ; ra- visseur des épouses d'autrui, tu agis en lâche, et tu te dis: « Je suis un héros! » Démon sans pudeur, tu franchis les bornes; tu outrages les bonnes mœurs; tu ne défies la mort que par orgueil, et tu te dis : « Je suis un héros ! » Parce que des Ràkchasas fai- bles et tremblants t'honorent d'une sorte de culte, plein de vanité et de hauteur, tu te dis : « Je suis un héros ! » Tu m'as dérobé Sîtà au moyen d'un artifice de sorcellerie, qui évoqua à mes yeux un fantôme de gazelle ; c'était sans doute un acte de valeur sin- gulier, et tu accomplissais là un remarquable exploit ! Rôdeur nocturne aux criminelles pensées, je ne dors ni'la nuit ni le joui- non, Râvana, je ne pourrai goûter le repos tant que je ne t'aurai point exterminé! Qu'ici donc, aujourd'hui même, de ton corps percé par mes dards et abattu sans vie, les oiseaux du ciel arra- chent toutes tes entrailles, ainsi que Garouda, l'aigle sublime, écrase les serpents ! »

Il y a de saintes colères, et la vertu elle-même doit s'en- flammer contre le vice. Le conducteur de Râvana, le voyant épuisé de forces, mais non pas d'ardeur, veut l'éloigner de ce champ de carnage ; l'inflexible tyran s'y oppose. Son ar- rêt est prononcé : ses chevaux, pareils à ceux dont parle

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