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198 ÉTUDES SUR LA LITTÉRATURE SANSCRITE.

et presque tous les autres singes le traitent en ennemi, en espion. Seul Hanoûmat a plus de clairvoyance, et Ràma, toujours chevaleresque, s'empresse d'accueillir l'étranger, qui s'agenouille devant lui, lui rend hommage et s'en- gage à le soutenir contre son coupable frère. Comment une armée formidable pourra-t-elle franchir le détroit? Je ne vois pas ce qui l'empêche de suivre cette route des airs, en appa- rence si accessible ; on ne s'avise jamais de tout. D'une autre part, dans ces vieux poëmes indiens, il est question assez souvent de barques, mais nullement de grands vaisseaux. A défaut de moyens de transport maritime, l'idée vient donc à Ràma de jeter un gigantesque pont au-dessus des profondeurs de l'abîme, et de là naissent des incidents passablement étranges. Sous prétexte que le roi d'Ayodhyâ est un descen- dent de ce roi Sangara, qui, aux premiers jours du monde, a creusé le lit de l'Océan, il croit pouvoir compter sur son concours et, l'Océan ne lui répondant pas, Rama, par un accès de colère fort rare chez lui, saisit son arc et lui décoche une de ses flèches. L'Océan vaincu se lève alors et lui permet d'édi- fier sur son sein une chaussée, dont le principal constructeur sera le singe Nala, fils de l'artiste divin Viçwakarman. Des milliers de quadrumanes se mettent à l'ouvrage ; ils rivali- sent d'activité et d'ardeur ; ils apportent à l'envi des troncs d'arbres et des pierres de taille, de vraies forêts, de vraies montagnes, et Nala est l'architecte qui dirige cette entreprise colossale. Tout n'est pas imaginaire dans cette fiction poéti- que; Malte-Brun, au cinquième tome de sa Géographie uni- verselle, fait remarquer que les Hindous appellent Pont de Rama, tandis que les Arabes la nomment Pont d'Adam, une suite d'ilôts, de rochers contigus et de bancs de sable, et il estime avec vraisemblance que ce sont autant de restes d'un isthme ancien qui joignait la Péninsule cà l'île de Ceylan.

Les dieux mêmes viennent admirer et seconder un travail si important: il faut un mois pour que le passage de l'armée s'opère. Inquiet des préparatifs de ses adversaires, Râvana

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