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194 ÉTUDES SUR LA LITTÉRATURE SANSCRITE.

magnifique palais de Râvana aux enceintes garnies d'argent, aux arcades semées de perles, aux colonnes d'or massif; les peaux de tigres ou de lions qui jonchent le sol ; les chevaux merveilleux qui ont le pelage de l'antilope, une tête de per- roquet et des ailes de héron ; la ménagerie, pleine d'animaux rares ; le trésor, rempli de pierres précieuses ; les salles à manger, encombrées de provisions exquises ; les instruments à vent ou à cordes ; le char enchanté Pouchpaka qui a une lieue de dimension ; la cour voluptueuse du tyran, lequel est couvert de joyaux, ruisselant de parfums et nonchalamment étendu sous un dais près de sa blonde favorite, Mandandarî. En serviteur consciencieux, le bon singe se reproche d'avoir employé tant de temps a examiner en détail ce sérail royal ; son excuse est qu'il y cherchait Sità : il faut la poursuivre ailleurs. Il entre au jardin, se glisse sous un bosquet tfasokas et se cache dans les branches des arbres ; de là il aperçoit un hideux spectacle, bien différent des gracieux et splendides tableaux qui le charmaient tout à l'heure. Il voit les ogresses chargées de garder et de surveiller la princesse : les Harpies de Virgile, le Jugement dernier de Michel-Ange, les sorcières du Macbeth de Shakespeare, le sabbat du Faust de Gœthe, les diableries de Callot, les caprices de Goya, ne donne- raient qu'une idée incomplète de l'abominable et mons- trueux chaos qui se déroule à ses yeux; c'est le laid, le fantasque, l'absurde poussé à sa dernière puissance. Le pinceau ne pourrait peindre, la plume est impuissante à décrire ces Ràkchasîs de toutes formes, de toutes tailles, de toutes couleurs, en qui luttent l'horrible et le grotesque. Avec un œil, trois yeux ou sans yeux, avec des oreilles qui leur enveloppent le front, des gueules de crocodiles ou des hures de sanglier, des têtes d'ànes ou des mufles de léopards, des trompes d'éléphants ou des cous de rep- tiles, avec des griffes et des ailes, avides de graisse et de chair, souillées de sang, elles boivent et mangent continuel- lement et ne sont jamais rassasiées. Elles manient la lance,

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