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186 ETUDES SUR LA LITTÉRATURE SANSCRITE.

assorties au reste de la figure : elles ont un coloris éclatant, une fraîcheur exquise, un contour élégant, et rien n'est plus digne de nos regards, ô femme chérie aux traits enchanteurs ! Tes fines oreilles, décorées de bijoux d'or, mais encore plus parées de leur beauté naturelle, forment une courbe dessinée d'après les plus exactes proportions. Tes mains si flexibles sont teintes en azur, à l'instar des pétales du lotus : créature au rire délicieux, ta taille est en harmonie avec tes autres charmes. Tes pieds, qui joints en ce moment l'un à l'autre se font mutuellement ressortir, sont d'une inexprimable beauté; la plante en est d'une délicatesse enfantine, les doigts en sont d'une fraîcheur virginale. D'une splen- deur égale à celle des fleurs les plus éblouissantes, ils restent dans leur marche pleins d'agrément et de grâce. Tes grands yeux, bordés d'un cercle de pourpre, sont deux étoiles de jais noyées au milieu de l'émail le plus pur. Ta chevelure est magnifique-, ta taille pourrait être serrée entre deux, mains. Non, je n'ai jamais vu sur la surface de la terre une mortelle, une nymphe ni même une déesse qui t'égalât par ses attraits ! »

Certes, voilà un démon qui ne s'entend pas mal en galan- terie doucereuse et quintessenciée ; voilà un ogre qui sait vivre et parler. Abusée par un langage si mielleux (car pour être épouse d'un ermite, on n'en est pas moins femme), Sîtâ raconte son histoire au faux mendiant et lui donne l'hospi- talité ; il finit par se démasquer et étale sa puissance aux yeux de la princesse : mais, comme le Satan de la tradition chrétienne, dès qu'il est reconnu, il est exécré et maudit. Se voyant repoussé et menacé, il menace à son tour et se montre dans toute sa formidable horreur, avec ses dix têtes, son vaste corps, ses longs bras, sa large poitrine, ses dents de lion, ses épaules de taureau, ses yeux rouges, sa peau bigarrée et ses cheveux pareils à la flamme. Ivre de désir et de ven- geance, à l'aspect de cette belle abandonnée, couverte de brillants joyaux, parée des boucles noires de sa chevelure flottante, et à demi-privée de sentiment, Ràvana lui crie alors d'un ton de bravade :

« Femme,. si tu ne m'acceptes point pour époux sous ma forme naturelle, j'emploierai la violence, afin de te Soumettre à ma vu-

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