LE RÀMAYANA. 185
est, et par conséquent ayant en horreur le meurtre des ani- maux, elle voudrait avoir sa peau et en couvrir le siège où elle repose. Le prudent Lakshmana a beau s'écrier qu'il n'existe point de gazelle d'or; Râma, incapable de résister à un désir de celle qu'il chérit, s'élance à la poursuite de Mârîtcha qui l'entraîne au loin et l'égaré, mais expire percé de coups, innocente victime de son obéissance pour Râvana. En mou- rant, il recourt à une ruse suprême et contrefait par ses cris la voix de Ràma lui-même; Lakshmana, qui l'a entendue malgré la distance, brûle de courir à l'aide de son frère, en dépit de sa belle-sœur qui l'accuse, au contraire, de trahir Ràma en la laissant seule et exposée à mille embûches. En proie à l'incertitude la plus poignante, il se décide pourtant à voler là où l'appelle cette, voix gémissante qui annonce quelque grave péril ; pour demander du secours, il faut, comme Roland a Roncevaux, que Râma soit bien près de mourir.
L'artificieux Ràvana profite de l'absence de Lakshmana pour pénétrer dans la retraite de Sîtâ ; il a emprunté le costume d'un anachorète mendiant : un manteau jaune, les cheveux rattachés en aigrette, une ombrelle, des sandales, un paquet attaché sur l'épaule gauche, une aiguière d'argile à la main et un bâton. 11 s'approche d'elle, l'admire, la convoite et lui débite sans hésitation de ces flatteries directes et presque impudentes, qui n'en arrivent que mieux au but, et qui ne sont pas encore usées, malgré le fréquent usage qui en a été fait depuis l'entretien d'Eve et du serpent dans la Genèse:
« Femme au charmant sourire, aux doux yeux, à l'aimable visage, à la fois gracieuse et timide, tu brilles d'un vif éclat, comme un bocage fleuri! Qui es-tu, toi que ta robe de soie couleur de safran fait ressembler au calice d'une fleur dorée et qu'embellit encore cette guirlande de lotus rouges et de nymphéas bleus? Es-tu la Pudeur, la Gloire, la Félicité, la Fortune, la Beauté ou la Volupté libre, ou la Vie elle-même? Que tes dents sont blanches, polies, égales, bien enchâssées, ù femme à la taille ravissante ! Belle in- connue, tes sourcils délicats sont disposés pour l'ornement de tes yeux. Tes joues, dignes de ta bouche, sont fermes, grasses et bien
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