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164 ÉTUDES SUR LA LITTÉRATURE SANSCRITE.

L'ermile se prépare à cette tâche sublime par des ablutions et des prières; il crée jusqu'à la forme métrique qu'il em- ploiera, et c'est le hasard qui la lui suggère :

Sur le bord de la Tamasà allaient et venaient sans aucune crainte (et l'anachorète les apercevait de loin) deux hérons, couple char- mant à voir. Un chasseur arrive à l'improviste; il tend son arc et frappe un des deux oiseaux, en présence du solitaire. Le héron gît sur le sol, ensanglanté et palpitant; à cet aspect, sa compagne pousse des cris plaintifs en voltigeant dans les airs. Ce meurtre, accompli le long du bois sur un oiseau par un chasseur, remplit de compassion l'ermite et son disciple Bhàradwàdja. Emu de pitié, le vertueux et équitable brahmane s'écria, en entendant les doulou- reux gémissements de la femelle : « Assassin, quand tu devrais vivre pendant toute une éternité, puisses-tu être à jamais flétri, toi qui viens d'égorger une de ces créatures, unies par les liens d'un mutuel amour ! » Ainsi s'exprima-t-il ; puis aussitôt cette pensée s'éleva en lui : « En proie à l'affliction que m'inspire le sort de ces oiseaux, quels mots ai-je prononcés là? » Il réfléchit un instant, et dit alors à son élève, debout auprès de lui : « Puis- que le chagrin m'a arraché ces paroles, qui offrent un ensemble de quatre paclas (ou hémistiches), composés chacun d'un nombre égal de syllabes, que cet ensemble s'appelle désormais sloka. »

Voilà comment fut inventé le distique sanscrit, celui dont le poète va se servir : ce distique (sloka), qui est toujours de trente-deux syllabes, variables d'ailleurs par la quantité des brèves ou des longues, aurait donc tiré son nom du mot soka (chagrin). Bràhma en personne, un des trois membres de la trinité hindoue, daigne apparaître à Yâlmiki, reçoit chez lui l'hospitalité et lui communique le souffle nécessaire pour accomplir la haute entreprise qu'il médite. Là se pré- sentent par avance, une récapitulation générale des incidents de cette épopée, que Kouçî et Lava, fils de Rama, sont des- tinés à réciter et à populariser de ville en ville, et un autre sommaire des mêmes incidents, énumérés livre par livre, ce qui constitue autant de préfaces, autant de tables des ma- tières du Râmàyana. Le tout forme quatre chapitres, sou- vent arides, mais parfois assez curieux.

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