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152 ÉTUDES SUR LA LITTÉRATURE SANSCRITE.

traversaient l'Asie de l'orient à l'occident pour en transporter les produits jusqu'en Perse, en Syrie et en Judée? Où sont ces soutiras ou laboureurs, serfs attachés à la glèbe, vaincus de la veille peut-être, qui nourrissaient leurs vainqueurs à la sueur de leur front? Si l'on décrit les villes, on en passe les habitants sous silence ; elles ne figurent dans le récit que comme la demeure des monarques ou des prêtres; si l'on dé- peint les campagnes, c'est pour les montrer ravagées par la guerre. Mais, du laboureur poussant sa charrue et fertilisant la terre, pas un mot ; pas un mot de l'artisan, travaillant sous un toit rustique : on parlera beaucoup des troupeaux, jamais des bergers, beaucoup des chefs d'armée, jamais des soldats. Homère lui-même, le, chantre des guerriers et des rois, a de ces notes douces et plaintives qui font ressortir d'autant l'harmonie de ses fiers accents; il a de ces allusions simples et intimes qui nous vont au cœur. Dans sa description du bouclier d'Achille, il n'oubliera ni la moisson, ni la vendange, ni les fêtes de Phyménée, ni les danses champêtres, ni les juges de village, ni aucun de ces épisodes usuels de la vie vulgaire ; dansl' Odyssée, il immortalisera la nourrice Euryclée, Eumée le gardien de pourceaux, et jusqu'au chien Argus. Le Mahâbhârata (et c'est une des causes qui le rendent pour nous moins attrayant) est une épopée, avant tout, aristocra- tique et sacerdotale.

Deux dynasties royales y sont aux prises, y soutenant par avance, avec une quantité bien plus grande de types et une série bien autrement nombreuse de complications, la lutte de l'Etéocle et du Polynice grecs ; mais cette lutte est plus qu'un conflit d'ambitions ordinaires : c'est un symbole évi- dent du combat perpétuel entre le vice et la vertu. On n'a pas de peine à reconnaître que l'inspiration du poëme est toute brahmanique : les auteurs de cette narration énorme ont entendu faire un apologue terrible à l'usage de leurs nobles élèves. Si les Couràvas sont exterminés l'un après l'autre, c'est parce qu'ils étaient ambitieux, cupides, violents;

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