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LE MAHABHARATA. 143

des Dasyous, pâtres errants et pillards ; les autres, de faire venir au plus tôt Ardjouna, qui recueillera les débris de cette nation maudite. Quant à lui, il se couche à terre pour mé- diter, retrace en sa mémoire tant d'événements étranges, et sent que son heure est venue; tout dieu qu'il est, il doit mourir. Il se plonge donc au milieu d'une forêt sainte, com- primant ses sens, étouffant sa parole, enchaînant son esprit; il s'anéantit, devant l'Infini. Tandis qu'il était en extase, ac- croupi sur le sol, un chasseur du nom de Djara (la Caducité), fantôme allégorique, le prend de loin pour une antilope et le perce d'une llèche à la plante du pied. Il s'élance, avide de saisir sa proie ; mais quelle est sa surprise, sa confusion, sa douleur, en apercevant un être mystique, vêtu de jaune, qui agite en l'air quatre bras! Cet être, qu'il a tué involon- tairement, n'est autre qu'une des incarnations de Wishnou, qui se transfigure soudain, monte glorieusement vers les sphères célestes et y reprend son rang parmi les dieux.

Pendant ce temps-là, Ardjouna est arrivé à Dwaraka : il trouve la cité et le palais en révolution ; seize mille femmes se croient sauvées en le voyant. Ce sont les compagnes de Krishna, de ses frères, de ses iils, de ses petits-fils, et les amazones, qui, d'après les coutumes de plusieurs peuples orientaux d'alors et d'aujourd'hui, composaient la garde per- sonnelle du roi. Il fait brûler sur un bûcher magnifique le corps du monarque avec ses quatre épouses vivantes; puis il se remet en route, dirigeant le cortège des Yadàvas qui ont survécu. C'est une caravane d'éléphants et de chars, de bœufs et de chevaux, de chameaux et d'ânes ; c'est une longue file de cavaliers et de soldats, de vieillards et d'enfants, de femmes surtout : à peine sont-ils sortis de la ville de Dwaraka que la mer déborde sur elle et l'engloutit à jamais. Sur le chemin, on rencontre les Dasyous: le fils de Pàndou, se con- fiant dans ses forces éprouvées et dans ses armes magiques, tend son arc Gàndiva, lance ses traits, multiplie ses efforts ; mais, hélas ! ses forces sont épuisées, ses armes n'ont plus

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