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140 ÉTUDES SUR LA LITTÉRATURE SANSCRITE.

seraient à sa course ; quiconque parmi eux laissait passer ce coursier symbolique était censé reconnaître la souveraineté de son maître. L'animal à peine rentré dans le pays, on l'immolait aux dieux, et tous les rois dont il avait traversé le territoire assistaient humblement à cette dernière cérémonie, image naïve d'un vasselage tout féodal. En cette circons- tance, c'est le vaillant Ardjouna qui exécuta la promenade à la suite du cheval: il la prolongea, au sud, jusqu'au royaume de Màghada ; à l'ouest, jusqu'aux frontières des peuples du Sindh. Il eut à soutenir quelques combats contre ces deux nations et en vint aux mains avec un de ses fils naturels, adopté par un souverain étranger, qui le blessa, comme, dans les mythes helléniques, Ulysse luttait avec Télégone et était tué par lui.

Quoi qu'il en soit, Youdhichthira gouverne l'Inde centrale ; appuyé sur le dévoùment de ses quatre frères, le noble Ard- jouna, le farouche Bhîmaséna et les deux jumeaux Nakoula et Sahadêva, il donne l'exemple de toutes les vertus. Son règne est calme, et (grand sujet de louanges !) les ermites peuvent, sans crainte des ogres, se livrer à leurs pratiques austères. Le vieil aveugle, Dhritarâchtra, est traité avec un profond respect par ses neveux, meurtriers de ses fils ; pen- dant quinze ans, ils l'entourent de soins, le consultent et af- fectent de diriger en son nom les affaires de l'État ; il leur a pardonné. Sentant ses forces décliner de plus en plus, il veut aller vivre en anachorète dans une des forêts sacrées, et s'y préparer à monter au ciel ; sa femme Gândhârî, Kountî, veuve de son frère Pàndou, son autre frère le sage Vidoura, et Sandjaya, son écuyer fidèle, partagent sa retraite volon- taire. C'était alors l'usage, pour les rois et les reines de l'Inde , de se retirer ainsi dans des espèces de couvents, où ils s'adonnaient à la contemplation, où ils oubliaient la terre, ses grandeurs et ses amertumes, où ils purifiaient leurs âmes de toutes taches par l'expiation et le repentir. Quelques an- nées plus tard, la forêt est en proie à un de ces incendies si

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