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LE MÀHÀliHARATÂ. 137

rent tristement et poussent leurs chevaux dans trois direc- tions différentes, le premier vers Hâstinapoura, le second vers son royaume, le troisième vers l'ermitage de Vyâsa. Ce- pendant Youdhichthira reparaît, escorté de ses frères; il est navré du désespoir de toutes ces femmes éplorées et, par un trait touchant de délicatesse, c'est le vieux Dhritaràchtra qui le console, lui. qui a tous ses enfants à pleurer; mais il tressaille, non pas à l'aspect (puisqu'il ne peut la voir), du moins à l'approche de ce Bhîmaséna, qui a égorgé son cher Douryôdhana. Enfin, apaisé par les avis et les reproches du divin Krishna, il pardonne à tous les Pàndavas ; Gàndhàrî, prête à les maudire, se décide à leur pardonner aussi. Du reste, ceux-ci demandent humblement grâce pour les terri- bles coups qu'ils ont frappés, tout en rappelant que la vio- lence de leurs cousins et le honteux affront, fait jadis en pleine assemblée à la belle et vertueuse Draupadî, ont été les seules causes de cette rivalité déplorable. Draupadî, elle- même, qui a perdu un fils dans le combat, mêle ses pleurs avec ceux de Kountî, dont les fils sont partout victorieux ; l'émotion, la charité, la résignation débordent de tous ces nobles cœurs.

Rien n'est plus pittoresque que la description de Kourouk- chêtra, cette plaine où les Courâvas et les Pàndavas ont lutté jusqu'à la mort: chariots brisés, éléphants en fuite, frag- ments d'armes, ossements par monceaux, chevelures souil- lées, têtes sans corps et corps sans têtes, rivières de sang, les chacals et les hérons, les hiboux et les corbeaux en quête de débris infects et se disputant leurs hideuses proies; quel spectacle ! Toutes ces femmes, toutes ces princesses, habituées à ne fouler que les riches tapis de leurs palais, se battent la poitrine, errent à travers la plaine, fondent en larmes, s'éva- nouissent ou deviennent folles, en reconnaissant ces victimes chéries, ces troncs mutilés, ces regards éteints, ces membres encore palpitants et déjà à demi-rongés par les bêtes fauves auxquelles elles essaient inutilement de les arracher. La vieille

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