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un sage, un saint : une fois qu’il rêvait sur les bords de la Virini, il entendit un petit poisson qui, craignant d’être dévoré par les gros, selon la loi de ce monde, le pria de le sauver, lui promettant sa reconnaissance. Il le tira donc de là et le mit dans un vase de cristal, où il grossit tellement qu’il demanda à en sortir; Manou, d’après ses ordres, le plaça successivement dans un étang, dans le Gange, dans la mer ; alors le poisson lui dit d’un ton affectueux :

bienheureux, ton œuvre de protection est terminée ; sache ce que tu dois faire en temps utile. Bientôt tout ce qui est sur la terre, tout ce qui est mobile ou immobile, va être submergé. La grande purification des créatures approche; apprends ce qui convient pour ton salut, puisque tout va parvenir à son terme redoutable. Construis un navire solide et pourvu d’agrès ; vertueux solitaire, tu y monteras avec les sept rishis (patriarches) ; tu y placeras avec soin et avec ordre les semences de toutes choses, telles que les brahmanes les énumèrent. Quand tu seras sur le vaisseau, pieux pénitent, pense à moi : tu me verras apparaître, le front armé d’une corne. Obéis; adieu, je pars. Sans moi, l’abîme des eaux serait infranchissable: pas d’hésitation ! « J’obéirai, » répondit Manon. Tous deux alors se séparèrent et allèrent où leurs désirs les appelaient. Manou, suivant les conseils du poisson, rassemble toutes les semences dans un solide navire et s’embarque sur la mer aux vagues agitées. Il pensa au poisson, et soudain celui-ci, répondant à sa pensée, parut, une corne au front : Manou, le voyant se dresser sous la forme annoncée au milieu des mers, entoura d’un cable cette corne puissante : ainsi attaché, le poisson entraîna vigoureusement l’embarcation à travers les flots. Le prince des humains put traverser sans péril l’Océan immense et retentissant, et, poussé par les vents furieux, le navire ressemblait à une vieille femme ivre et tremblante. La terre, les points cardinaux, les régions intermédiaires cessèrent d’être visibles: tout devint eau. air ou ciel, et sur le monde transformé on ne voyait voguer que Manou, les sept rishis et le poisson. La traversée dura de longues années, jusqu’à ce qu’enfin on abordât à la cime la plus haute de l’Himavat.

Le poisson ordonne d’attacher la nef aux rochers de cette montagne : il apprend à ceux qu’il a sauvés qu’il n’est autre