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ment comme dans le Paradis biblique. Ils demandent à l’ermite le sacrifice de ses os, qui doivent leur servir d’arme invisible : il ne balance pas un instant ; il retient son souffle, meurt, leur abandonne son corps et ses os ; le Vulcain brahmanique, Twachtri, en tire un foudre puissant qu’il remet à Indra. Le combat a lieu ; les dieux et les démons se heurtent, se pressent, se renversent ; les têtes tombent d’en haut sur le sol, semblables à des palmes détachées de leurs tiges. Vritra pousse des cris qui font résonner les quatre coins du monde ; enfin, Indra est si effrayé qu’il lâche, sans s’en apercevoir, le foudre magique, qui va de lui-même renverser et anéantir Vritra. Les acolytes de celui-ci s’enfuient en désordre et se cachent au milieu des gouffres de la mer ; tout le jour, ils y restaient ; la nuit, ils venaient guetter les solitaires dans leurs retraites et les dévorer par vingtaines et par centaines ; la désolation était générale :

Le matin, on découvrit les ermites, arrachés à leurs pieux exercices et étendus à terre : sous ces corps amaigris, privés de sang et de vie, de moelle et d’entrailles, déchirés et dispersés, le sol brillait, comme s’il eût été couvert de fragments de coquillages. Ce n’étaient partout qu’armes brisées, ustensiles rompus, débris des feux des sacrifices. Plus de récitation de prières, plus de fêtes, plus de bonnes œuvres : le monde était perdu, épouvanté par les méchants génies. Menacés de la mort, ne songeant qu’à se sauver, harcelés par la crainte, les hommes parcouraient le pays, envahissant les cavernes, franchissant les torrents, mourant de peur. Quelques guerriers magnanimes, quelques héros firent de suprêmes efforts pour vaincre les Dânavas ; mais ceux-ci se dérobaient sous les flots de l’Océan, et on expirait de fatigue avant de les rencontrer.

Le récit suivant où Agastya reparaît avec un rôle important se rapporte à la descente du Gange, tombant du ciel sur la terre, événement miraculeux, qui est également développé au premier chant du Râmâyana : voici comment Lômaça le raconte. Les austérités d’un saint ont le pouvoir de bouleverser toute la nature : c’est ainsi qu’Agastya, le vain-