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chrétiens, l’Olympe, le Pinde ou le Parnasse pour les Grecs, l’Himâlaya et les autres pics de cette chaîne immense l’étaient pour les Indiens. Ces monts dont la tête était couronnée de neiges éternelles, dont les flancs étaient parés d’une éclatante verdure, ces monts qui servaient d’habitation ordinaire aux ermites, de retraite momentanée aux prêtres en méditation et aux rois en disgrâce, fascinaient l’imagination populaire : ils avaient été l’asile sacré des ancêtres ; ils étaient le but des pieuses visites et des ferventes prières. On croyait que, dans leur purification graduelle et leurs diverses pérégrinations, les âmes humaines partaient de là pour arriver successivement aux sphères de la lune, du soleil, de l’Être suprême, dernier terme de leur béatitude. Aussi, quand le tout-puissant Indra envoie à son favori Ardjouna son cocher Mâtali pour le transporter au firmament, est-ce des cimes du Mandara qu’ils prennent leur essor :

Après avoir fait ses adieux à la montagne, Ardjouna, rayonnant de joie, s’élance dans l’équipage divin qui remonte à travers les airs ; ainsi parvenu à ces régions qui sont inaccessibles aux enfants de la terre, il y rencontre des myriades de chars étincelants. Ils ne sont illuminés ni par le soleil, ni par la lune, ni par aucune flamme : ces corps aériens brillent de leur propre éclat ; beaucoup trop éloignés pour que nous mesurions leur grandeur, ils semblent à nos regards n’être que des lampes pâlissantes. Mais le héros, libre des liens terrestres, put admirer de près leur éblouissante splendeur, leur sublime harmonie. Devant lui passaient par centaines les rois équitables, les vrais sages, les victimes de la guerre, les solitaires qui ont conquis les cieux… Il aperçut enfin le séjour délicieux des saints et des pénitents, semé de fleurs aux nuances délicates, d’où s’exhale, soulevé par la brise, le parfum des plus douces vertus. Il vit la forêt Mandana, où les chœurs des nymphes se déroulent à l’ombre d’arbustes toujours verts : abri réservé aux cœurs fidèles, où jamais ne pénétreront ceux qui ignorent le repentir, qui négligent les offrandes, qui fuient lâchement le champ de bataille, qui se dispensent des sacrifices, des abstinences, de la récitation des Védas ; empire que ne contempleront jamais ceux qui ne fréquentent point les lieux saints, ceux qui dédaignent les ablutions et les aumônes, les im-