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la paix et à des conditions honorables, et que nous ne devons pas, par une intransigeance brutale et trop égoïste, laisser s’abandonner à des entraînements qui, pour ne pas être des révoltes, n’en feraient pas moins des victimes. » Toutes ces phrases embrouillées servaient à dissimuler l’effroyable peur qui étreignait ce député grotesque[1]. Dans la séance du 6 novembre 1904, au sénat, le ministre déclarait que le gouvernement était incapable de céder à des menaces, mais qu’il fallait ouvrir non seulement les oreilles et l’esprit, mais aussi le cœur « aux réclamations respectueuses » (?) ; — il avait passé quelque peu d’eau sous les ponts depuis le jour où le gouvernement avait promis la loi sous la menace d’une grève générale[2].

Je pourrais choisir d’autres exemples, pour montrer que le facteur le plus déterminant de la politique sociale est la poltronnerie du gouvernement. Cela s’est manifesté, de la manière la plus ostensible, dans des discussions récentes relatives à la suppression des bureaux de placement et à la loi qui a porté devant les tribunaux civils les appels des décisions rendues par les prud’hommes. Presque tous les chefs des syndicats savent tirer un excellent parti de cette

  1. Cet imbécile est devenu ministre du Commerce. Tous ses discours sur cette question sont pleins de galimatias : il a été médecin aliéniste et a, peut-être, été influencé par la logique de ses clients.
  2. Le ministre déclarait qu’il faisait de la « véritable démocratie » et que c’est faire de la démagogie que « d’obéir à des pressions extérieures, à des sommations hautaines qui ne sont, pour la plupart du temps, que des surenchères et des appâts grossiers s’adressant à la crédulité de gens dont la vie est pénible. »