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à affronter tous les obstacles et pleines d’une confiance absolue dans la victoire, que le catholicisme a pu, jusqu’ici, triompher de ses ennemis. Chaque fois qu’un péril redoutable est né pour l’Église, des hommes particulièrement aptes, comme les grands capitaines, à discerner les points faibles de l’armée adverse, ont créé des ordres religieux nouveaux, appropriés à la tactique qui convenait à la nouvelle guerre. Si aujourd’hui la tradition religieuse parait si menacée, c’est qu’il ne s’est point organisé d’instituts propres à mener le combat contre l’Anti-église ; les fidèles conservent peut-être encore beaucoup de piété ; mais ils forment une masse inerte.

Il serait extrêmement dangereux pour le prolétariat de ne point pratiquer une division de fonctions qui a si bien réussi au catholicisme durant sa longue histoire ; il ne serait plus qu’une masse inerte destinée à tomber, comme la démocratie[1], sous la direction de politiciens qui vivent de la subordination de leurs électeurs ; les syndicats doivent moins chercher le très grand nombre des adhérents que le groupement des éléments forts ; les grèves révolutionnaires sont excellentes pour opérer une sélection, en éloignant les pacifiques qui ruineraient des troupes d’élites.

Cette division des fonctions a permis au catholicisme de présenter toutes les nuances : depuis les groupes dont la vie est comme noyée dans l’unité générale, jusqu’aux

  1. Le parti socialiste est devenu une cohue démocratique, puisqu’il renferme « des officiers. des gens décorés, des riches, des gros rentiers, des grands patrons » (Cf. un article de Lucien Roland dans le Socialiste du 29 août 1909).