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trines. Cette philosophie, issue de l’ascétisme oriental, ne pouvait raisonner que sur un homme étranger aux conditions de la vie réelle ; alors se produisit une dissolution de l’ancien ordre juridique. Les historiens ont été généralement si éblouis par le prestige que possèdent, dans la tradition des écoles, les textes que nous ont conservés les Pandectes[1], qu’ils n’ont pas vu, d’ordinaire, les conséquences sociales de ce grand travail de rénovation. Ils ont vanté les beaux progrès réalisés par la jurisprudence, mais ils n’ont pas reconnu qu’en même temps le respect que les anciens Romains avaient eu pour le droit, s’évanouissait[2]. De même chez nous, les progrès juridiques[3] engendrés par l’introduction des principes de 89 dans notre législation, ont certainement contribué à avilir l’idée du droit.


Au cours du xixe siècle, beaucoup de critiques dogmatiques ont été adressées à la doctrine de l’homme anhistorique ; on a, maintes fois, montré qu’il était impossible, en partant des droits accordés à cet être scolastique, de

  1. Cf. Renan, Marc-Aurèle, pp. 22-29.
  2. L’histoire des persécutions apporte des témoignages d’une très haute valeur ; les anciens Romains, si cruels, n’auraient pas songé à condamner des vierges au lupanar (Edmond Le Blant, Les persécuteurs et les martyrs). La décision prise par Marc-Aurèle contre les martyrs de Lyon me semble marquer une rétrogradation vers la barbarie (G. Sorel, Système historique de Renan, p. 335).
  3. J’emploie le mot progrès parce que je le trouve dans l’usage courant, pour parler de changements qui ne sont pas tous fort admirables.