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se traduiront seulement par un amoncellement de papiers parlementaires. Les uns et les autres n’entendent rien à la production et ils s’arrangent cependant pour s’imposer à elle, la mal diriger et l’exploiter sans la moindre vergogne : ils sont éblouis par les merveilles de l’industrie moderne et ils estiment, les uns et les autres, que le monde regorge assez de richesses pour qu’on puisse le voler largement, sans trop faire crier les producteurs ; tondre le contribuable sans qu’il se révolte, voilà tout l’art du grand homme d’état et du grand financier. Démocrates et gens d’affaires ont une science toute particulière pour faire approuver leurs filouteries par des assemblées délibérantes ; le régime parlementaire est aussi truqué que les réunions d’actionnaires. C’est probablement en raison des affinités psychologiques profondes résultant de ces manières d’opérer, que les uns et les autres s’étendent si parfaitement : la démocratie est le pays de Cocagne rêvé par les financiers sans scrupules.

Le spectacle écœurant, donné au monde par les écumeurs de la finance et de la politique[1], explique le

    « un grand esprit politique, ni même simplement un homme sérieux ». La riposte de Millerand est tout à fait caractéristique de l’orgueil du politicien parvenu : « Ne parlez pas de choses que vous ignorez. » Et lui donc, de quoi parle-t-il ?

  1. Je suis bien aise de m’appuyer ici sur l’autorité incontestable de Gérault-Richard qui, dans la Petite République du 19 mars 1903, dénonçait les « intrigants, arrivistes, faméliques et noceurs [qui] voient uniquement le gâteau ministériel à saisir » et qui cherchaient alors à faire tomber Combes. On voit dans le numéro suivant qu’il s’agissait des