Page:Sorel - Réflexions sur la violence.djvu/329

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

déhanchée sur laquelle ont chevauché tant de Don Quichotte de l’histoire à la recherche de la grande réforme mondiale, pour ne rapporter de ces voyages autre chose que quelque œil poché[1] ». De ces plaisanteries sur une Justice fantastique sortie de l’imagination des utopistes, on passait, parfois trop facilement, à de grossières facéties sur la morale la plus ordinaire ; on pourrait faire un assez vilain recueil des paradoxes soutenus par des marxistes officiels à ce sujet. Lafargue s’est particulièrement distingué à ce point de vue[2].

La raison capitale, qui empêchait les socialistes d’étudier les problèmes éthiques comme ils le méritent, était la superstition démocratique qui les a si longtemps dominés et qui les entraînait à croire que leur action devait surtout avoir pour but la conquête des sièges dans les assemblées politiques.

Dès qu’on s’occupe d’élections, il faut subir certaines conditions générales qui s’imposent, d’une manière inéluctable, à tous les partis, dans tous les pays et dans tous les temps. Quand on est convaincu que l’avenir du monde dépend de prospectus électoraux, de compromis

  1. Mouvement socialiste, 15 juin 1899, p. 649.
  2. Par exemple on lit dans le Socialiste du 30 juin 1901 : « Comme, dans une société communiste, la morale qui encombre la cervelle des civilisés se sera évanouie ainsi qu’un affreux cauchemar, peut-être qu’une autre morale engagera les femmes à papillonner, selon le mot de Ch. Fourier, au lieu de se condamner à être la propriété d’un mâle… Les femmes dans les tribus sauvages et barbares communistes sont d’autant plus honorées qu’elles distribuent leurs faveurs sur un plus grand nombre d’amants. »