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sion ; c’est que l’expérience l’avait éclairé sur les conséquences de la violence.

Les associations qui opèrent par la ruse ne provoquent point de telles réactions dans le public ; au temps de la république cléricale, la société de Saint-Vincent-de-Paul était une belle officine de surveillance sur les fonctionnaires de tout ordre et de tout grade ; il ne faut donc pas s’étonner si la franc-maçonnerie a pu rendre au gouvernement radical des services identiques à ceux que la philanthropie catholique avait rendus aux gouvernements antérieurs. L’histoire des affaires récentes de délation a montré, d’une manière très claire, quel était définitivement le point de vue du pays.

Lorsque les nationalistes furent en possession des dossiers constitués par les dignitaires des Loges sur les officiers, ils crurent que leurs adversaires étaient perdus ; la panique qui régna durant quelques jours dans le camp radical, parut donner raison à leurs prévisions ; mais bientôt la démocratie n’eut plus que moqueries pour ce qu’elle nomma « la petite vertu » des gens qui dénonçaient à l’opinion les procédés du général André et de ses complices. Henry Bérenger montra, en ces jours difficiles, qu’il connaissait à merveille la moralité de ses contemporains ; il n’hésita pas à approuver ce qu’il appelait « la surveillance légitime exercée par des organisations d’avant-garde sur les castes dirigeantes » ; il dénonça la lâcheté du gouvernement qui avait « laissé outrager comme délateurs [ceux] qui ont assumé la rude tâche de faire face à la caste militaire et à l’Église romaine, de les enquêter, de les dénoncer » (Action, 31 octobre 1904) ; il couvrit d’injures les rares dreyfusards qui osèrent manifester de