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tions vraiment prolétariennes[1]. Les politiciens croient qu’elle aura toujours des tendances pacifiques, qu’elle est susceptible d’être bien disciplinée et que, les chefs de si sages syndicats comprenant comme eux l’action de l’État, cette classe formera une clientèle excellente. Ils voudraient qu’elle leur servît à gouverner le prolétariat : c’est pourquoi Ferdinand Buisson et Jaurès sont partisans des syndicats des petits fonctionnaires, qui, en entrant dans les Bourses du Travail, inspireraient au prolétariat l’idée d’imiter leur attitude éteinte et pacifique.


La grève générale politique concentre toute cette conception dans un tableau d’une intelligence facile ; elle nous montre comment l’État ne perdrait rien de sa force, comment la transmission se ferait de privilégiés à privilégiés, comment le peuple des producteurs arriverait à changer de maîtres. Ces maîtres seraient très probablement moins habiles que ceux d’aujourd’hui ; ils feraient de plus beaux discours que les capitalistes ; mais tout porte à croire qu’ils seraient beaucoup plus durs et plus insolents que leurs prédécesseurs.

La nouvelle école raisonne tout autrement ; elle ne peut accepter l’idée que le prolétariat ait pour mission historique d’imiter la bourgeoisie ; elle ne conçoit pas qu’une révolution aussi prodigieuse que celle qui supprimerait le capitalisme, puisse être tentée pour un minime et dou-

  1. « Une partie de la nation s'agrège au prolétariat pour demander des droits ». dit Maxime Leroy dans un livre consacré à défendre les syndicats de fonctionnaires. (Les trauaformations de la puissance publique, p. 216.)