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mettent solennellement de ruiner le capitalisme au profit du peuple ; c’est ainsi que se forme un parti socialiste parlementaire. D’anciens militants socialistes pourvus d’emplois modestes, des bourgeois lettrés, légers et avides de bruit, et des spéculateurs de la Bourse imaginent qu’un âge d’or pourrait naître pour eux à la suite d’une révolution sage, bien sage, qui ne toucherait pas gravement l’État traditionnel. Ces futurs maîtres du monde rêvent tout naturellement de reproduire l’histoire de la forme bourgeoise et ils s’organisent pour être en mesure de tirer le plus possible de profit de cette révolution. Un groupe considérable de clients pourrait prendre rang dans la hiérarchie nouvelle, et ce que Paul Leroy-Beaulieu nomme le « Quatrième État » deviendrait vraiment une basse-bourgeoisie[1].

Tout l’avenir de la démocratie pourrait bien dépendre de cette « basse-bourgeoisie, » qui espère utiliser, pour son plus grand avantage personnel, la force des organisa-

  1. Dans un article du Radical (2 janvier 1906), Ferdinand Buisson expose que les catégories de travailleurs actuellement les plus favorisées continueront à s’élever au-dessus des autres ; les ouvriers des mines, de la voie ferrée, des manufactures de l’Etat ou des services municipaux qui sont bien organisés, forment une « aristocratie ouvrière » qui réussit d’autant plus facilement qu’elle a à discuter avec des collectivités qui font « profession de reconnaître les droits de l’homme, la souveraineté nationale, l’autorité du suffrage universel ». Sous ce galimatias on trouve tout simplement la reconnaissance de relations existant entre des clients obséquieux et des politiciens.