Page:Sorel - Réflexions sur la violence.djvu/187

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tie que celle-ci ; campagnes et villes forment deux pays ennemis depuis qu’il y a une civilisation[1]. Le travail aux pièces montre aussi que dans le monde des salariés il y a un groupe d’hommes un peu analogue à des marchands de détail, ayant la confiance du patron et qui n’appartiennent pas au monde du prolétariat. La grève apporte une clarté nouvelle ; elle sépare, mieux que les circonstances journalières de la vie, les intérêts et les manières de penser des deux groupes de salariés ; il devient alors clair que le groupe administratif aurait une tendance naturelle à constituer une petite aristocratie ; c’est pour ces gens que le socialisme d’État serait avantageux, parce qu’ils s’élèveraient d’un cran dans la hiérarchie sociale.

Mais toutes les oppositions prennent un caractère de netteté extraordinaire quand on suppose les conflits grossis jusqu’au point de la grève générale ; alors toutes les parties de la structure économico-juridique, en tant que celle-ci est regardée du point de vue de la lutte de classe, sont portées à leur perfection ; la société est bien divisée en deux camps, et seulement en deux, sur un champ de bataille. Aucune explication philosophique des faits observés dans la pratique ne pourrait fournir d’aussi vives lumières que le tableau si simple que l’évocation de la grève générale met devant les yeux.

2° On ne saurait concevoir la disparition du commandement capitaliste si l’on ne supposait l’existence d’un

  1. « On peut dire que l’histoire économique de la société roule sur cette antithèse », de la ville et de la campagne (Capital, tome I, p. 152, col. 1.)