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le socialisme. Ainsi les principes fondamentaux du marxisme ne seraient parfaitement intelligibles que si l’on s’aide du tableau de la grève générale, et, d’autre part, on peut penser que ce tableau ne prend toute sa signification que pour ceux qui sont nourris de la doctrine de Marx.


A. — Tout d’abord, je vais parler de la lutte de classe, qui est le point de départ de toute réflexion socialiste et qui a tant besoin d’être élucidée depuis que des sophistes s’efforcent d’en donner une idée fausse.

1° Marx parle de la société comme si elle était coupée en deux groupes foncièrement antagonistes ; cette thèse dichotomique a été souvent combattue au nom de l’observation et il est certain qu’il faut un certain effort de l’esprit pour la trouver vérifiée dans les phénomènes de la vie commune. La marche de l’atelier capitaliste fournit une première approximation et le travail aux pièces joue un rôle essentiel dans la formation de l’idée de classe ; il met, en effet, en lumière une opposition très nette d’intérêts se manifestant sur le prix des objets[1] : les travailleurs se sentent dominés par les patrons d’une manière analogue à celle dont se sentent dominés les paysans par les marchands et les prêteurs d’argent urbains ; l’histoire montre qu’il n’y a guère d’opposition économique plus clairement sen-

  1. Je ne sais pas si les savants ont toujours compris le rôle du travail aux pièces. Il est évident que la fameuse formule : « Le producteur devrait pouvoir racheter son produit » provient de réflexions faites sur le travail aux pièces.