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manière que l’âme des révoltés en reçoive une impression pleinement maîtrisante.

Le langage ne saurait suffire pour produire de tels résultats d’une manière assurée ; il faut faire appel à des ensembles d’images capables d’évoquer en bloc et par la seule intuition, avant toute analyse réfléchie, la masse des sentiments qui correspondent aux diverses manifestations de la guerre engagée par le socialisme contre la société moderne. Les syndicalistes résolvent parfaitement ce problème en concentrant tout le socialisme dans le drame de la grève générale ; il n’y a plus ainsi aucune place pour la conciliation des contraires dans le galimatias par les savants officiels ; tout est bien dessiné, en sorte qu’il ne puisse y avoir qu’une seule interprétation possible du socialisme. Cette méthode a tous les avantages que présente la connaissance totale sur l’analyse, d’après la doctrine de Bergson ; et peut-être ne pourrait-on pas citer beaucoup d’exemples capables de montrer d’une manière aussi parfaite la valeur des doctrines du célèbre professeur[1].

On a beaucoup disserté sur la possibilité de réaliser la grève générale : on a prétendu que la guerre socialiste ne pouvait se résoudre en une seule bataille ; il semble

  1. La nature de ces articles ne comporte pas de longs développements sur ce sujet ; mais je crois que l’on pourrait faire une application plus complète encore des idées de Bergson à la théorie de la grève générale. Le mouvement, dans la philosophie bergsonienne est regardé comme un tout indivisé ; ce qui nous conduit justement à la conception catastrophique du socialisme.