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qui avaient été répandues sur les armées des volontaires, sur le rôle miraculeux des représentants du peuple, sur les généraux improvisés ; l’expérience produisit une cruelle désillusion. Tocqueville avait écrit : « La Convention a créé la politique de l’impossible, la théorie de la folie furieuse, le culte de l’audace aveugle[1]. » Les désastres de 1870 ont ramené le pays à des conditions pratiques, prudentes et prosaïques ; le premier résultat de ces désastres fut de développer l’idée tout opposée à celle dont parlait Tocqueville, l’idée d’opportunité qui, aujourd’hui, s’est introduite même dans le socialisme.

Une autre conséquence fut de changer toutes les valeurs révolutionnaires et notamment de modifier les jugements que l’on portait sur la violence.

Après 1871, tout le monde se préoccupa en France de chercher les moyens les plus appropriés pour relever le pays. Taine voulut appliquer à cette question les procédés de la psychologie la plus scientifique et il regarda l’histoire de la Révolution comme une expérimentation sociale. Il espérait pouvoir rendre évident le danger que présentait, selon lui, l’esprit jacobin, et amener ainsi ses contemporains à changer le cours de la politique française, en abandonnant des notions qui avaient paru incorporées à la tradition nationale et qui étaient d’autant plus solidement ancrées dans les têtes que personne n’en avait jamais discuté les origines. Taine a échoué dans son entreprise, comme échouèrent Le Play et Renan, comme échoueront tous ceux qui voudront fonder une réforme

  1. Tocqueville. Mélanges, p. 189.