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la sapience des Normands, ni la perfidie d’Albion, ni les querelles d’Allemand. La chaleur produit, un peu plus loin, chez les Asiatiques, tous les effets qu’il faudrait attribuer au froid chez les Russes. Je n’insiste pas. Il suffit d’avoir montré, dans ces imprudences, un côté du caractère de Montesquieu, celui où, pour entrer dans ses vues, on est porté à soupçonner l’influence du climat fantasque de la Gascogne.

Montesquieu n’a, pour dire vrai, jeté sur cette partie de la nature qu’un regard de curieux, regard indiscret et dérobé. Il n’a pas vu que ces diverses conditions des sociétés humaines, climat, pays, race, — la dernière bien incertaine et confuse dans ses données, les deux autres fort précaires dans leurs effets et saisissables seulement dans les ensembles et dans les masses, — ne sont encore que des causes premières, vagues et inaccessibles ; mais il en résulte des causes secondes qui produisent, en accumulant leurs effets, les éléments réels et vivants des phénomènes sociaux, c’est-à-dire les mœurs, les passions, les préjugés, les instincts, le caractère national, en un mot, des individus et celui des peuples que ces individus composent. Montesquieu n’était point tenu de connaître une science qui en est encore à instituer ses méthodes, à débrouiller ses collections et à chercher ses frontières ; mais il en a discerné le principal objet lorsqu’il a écrit : « Ce sont les différents besoins dans les différents climats qui ont formé les différentes manières de vivre ; et ces diffé-