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plir, il a ruiné toutes mes espérances, et celles que je tirais de moi-même, et celles qui reposaient sur mon frère absent[1]. O mes amies, dans de telles infortunes, il est bien difficile de conserver la modération ou le respect des dieux ; mais, dans le malheur, on est contraint de se livrer au mal.

LE CHŒUR.

Dis-moi, pendant que tu nous parles ainsi, Égisthe est-il dans le palais, ou est-il absent ?

ÉLECTRE.

Il est dehors ; ne crois pas que s’il était dans la maison j’eusse pu en sortir. Il est maintenant à la campagne.

LE CHŒUR.

J’aurai donc plus de confiance à te parler, puisqu’il en est ainsi.

ÉLECTRE.

Il est absent, fais-moi toutes les questions que tu voudras.

LE CHŒUR.

Pour première question, que dis-tu de ton frère ? Va-t-il venir, ou tarde-t-il encore ? je désire le savoir.

ÉLECTRE.

Il parle de son retour ; mais l’effet dément ses paroles.

LE CHŒUR.

Hésiter est naturel pour un homme qui tente une grande entreprise.

ÉLECTRE.

Mais moi, je n’ai point hésité quand je l’ai sauvé.

LE CHŒUR.

Prends courage ; il est brave, il secourra ses amis.

ÉLECTRE.

Je le crois, autrement je ne vivrais pas longtemps.

LE CHŒUR.

Ne dis plus rien ; car je vois sortir du palais ta sœur,

  1. Il a fallu développer ainsi le sens des mots :
    τὰς οὔσας τέ μου, καὶ τὰς ἀπούσας ἐλπίδας.
    Ce passage a été imité par Euripide, dans son Electre, v. 564.