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LE CHŒUR.

(Strophe 3.) Lamentable fut, au retour de ton père, lamentable fut la nouvelle du festin où il périt[1], frappé du coup de la hache d’airain dirigé contre lui ! La perfidie conseilla le meurtre, l’amour l’exécuta, horrible enfantement d’un complot horrible, soit qu’un dieu, soit qu’un mortel en fût l’auteur !

ÉLECTRE.

O jour, le plus affreux de tous ceux que j’ai vécu ! ô nuit funeste ! festin exécrable, où mon père se vit indignement frappé à mort par deux mains criminelles, qui m’ont arraché la vie, en me livrant à mes ennemis ! Que le puissant dieu de l’Olympe leur envoie un châtiment digne de leur forfait ! Puissent les auteurs d’un tel crime ne jamais connaître la joie !

LE CHŒUR.

{Antistrophe 3.) Prends garde d’en trop dire. Ne songes-tu pas de quel rang et dans quels malheurs attirés par toi-même tu tombes si indignement ? car tu as mis le comble à tes maux, en suscitant d’éternelles querelles par ton âme chagrine. Il ne faut pas se commettre avec les puissants dans de tels conflits.

ÉLECTRE.

L’excès de mes souffrances m’a poussée à ces extrémités ; je le sais, je connais mon caractère impétueux. Mais dans ces cruelles souffrances, je ne puis contenir mes plaintes, toutes périlleuses qu’elles sont, tant que je vivrai. Car, ô mes amies, de qui pourrais-je donc recevoir d’utiles conseils ? qui aurait assez la conscience de ce qu’il faut faire ? Cessez donc, cessez de me consoler. Mes lamentations n’auront point de terme ; jamais ma douleur ne mettra fin à ces pleurs intarissables.

LE CHŒUR.

(Épode.) Eh bien ! par affection pour toi, je t’avertis, comme une tendre mère, de ne pas enfanter peines sur peines.

  1. ῾Εν κοίταις, « sur les lits du festin. »