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ÉLECTRE.

Nobles filles de Mycènes, vous venez en consolatrices de mes peines ; je le sais, et je connais votre tendresse ; mais je ne veux pas cesser de pleurer mon malheureux père. Ah ! je vous en conjure par cette amitié dont, vous me donnez tant de preuves, laissez-moi m’abandonner ainsi à ma douleur.

LE CHŒUR.

(Antistrophe 1.) Cependant ni les prières ni les larmes ne rappelleront ton père des sombres bords, commun asile des humains : mais en te livrant à une douleur éternelle et sans mesure, tu te consumes dans les larmes qui n’apportent aucun remède à ta souffrance. Pourquoi désirer des maux intolérables[1] ?

ÉLECTRE.

Insensé qui oublie ses parents frappés d’une mort digne de pitié ! Pour moi, mon cœur se complaît aux gémissements de l’oiseau plaintif, messager de Jupiter[2], qui pleure Itys[3], son cher Itys ! O Niobé, toi la plus malheureuse des femmes, je t’honore à l’égal d’une déesse, toi dont le marbre funèbre distille éternellement des pleurs[4] !

LE CHŒUR.

(Strophe 2.) Certes, tu n’es pas la seule entre les mor-

  1. J’adopte la ponctuation d’Hermann et de Bothe, qui mettent une simple virgule après διόλλυσαι, et un point après κακῶν. Elle été aussi adoptée dans l’édition de F. Didot.
  2. Parce qu’il annonce le printemps.
  3. Procné fit à Térée un festin de son propre fils. Elle fut métamorphosée en oiseau. Sophocle, qui a déjà employé la même comparaison au vers 107, et qui y reviendra plus loin, v. 1077, désigne ici le rossignol, ainsi qu’Eschyle, qui, dans son Agamemnon, v. 1 151, emploie la même image. On sait que chez d’autres poètes, Procné est l’hirondelle. Voir aussi Ajax, v. 629 ; et le» Trachiniennes, v. 105 et 963.
  4. Niobé vit périr ses enfants sous les flèches d’Apollon. Elle fut changée eu statue. On peut voir dans les plaintes d’Antigone, v. 823-831, un admirable passage de ce morceau lyrique, où elle se compare à Niobé. On a indiqué dans la note les endroits des anciens qui se rapportent à cette tradition.