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par le fils d’Alcmène ! Digne fils de cette noble race, laisserai-je déshonorer ceux qui sont issus du même sang, et que maintenant, dans une si grande infortune, tu veux priver de sépulture ? et tu ne rougis pas de le dire ? Mais sache-le bien, si tu te permets cet outrage contre lui, l’outrage nous sera commun à tous trois[1] ; puisque enfin il me sera plus glorieux de combattre et de mourir pour lui que pour ton épouse[2] ou celle de ton frère. Songes-y donc, ce n’est plus mon intérêt, mais le tien : si tu me fais la moindre offense, tu regretteras bientôt de n’avoir pas montré plus de timidité que d’audace contre moi.



LE CHŒUR.

O roi Ulysse, sache que tu es venu à propos, si c’est pour terminer et non pour aigrir leur dispute.

ULYSSE.

Qu’y a-t-il ? j’ai en effet entendu de loin les cris des Atrides sur ce mort vaillant.

AGAMEMNON.

N’avons-nous pas, ô Ulysse, entendu tout à l’heure d’insolents discours de la bouche de cet homme ?

ULYSSE.

Quels discours ? car je pardonne à l’homme qu’on injurie de répondre par d’autres outrages.

AGAMEMNON.

Je l’ai traité avec mépris, comme il m’avait traité moi-même.

ULYSSE.

Qu’ a-t-il donc fait qui dût t’offenser ?

AGAMEMNON.

Il prétend ne pas laisser ce corps sans sépulture, et même il prétend l’ensevelir malgré moi.

  1. Eurysacès, Tecmesse et lui.
  2. Il semble ignorer pour quelle femme on fait la guerre ; c’est le langage de la passion.