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LE CHŒUR.

J’en conviens.

TECMESSE.

Hélas ! mon fils ! quel joug va peser sur nous ! quels maîtres nous sont réservés !

LE CHŒUR.

Quoi ! les impitoyables Atrides ajouteraient cet outrage à votre douleur ! puissent les dieux l’empêcher !

TECMESSE.

Ces maux ne seraient point arrivés sans la volonté des dieux.

LE CHŒUR.

Ils en ont par trop appesanti le fardeau.

TECMESSE.

Voilà pourtant la trame funeste que la fille de Jupiter, la redoutable Pallas, a ourdie en faveur d’Ulysse.

LE CHŒUR.

Ainsi, dans son âme perfide, le patient Ulysse nous outrage, et rit des maux qu’a enfantés le délire ! Hélas ! hélas ! et les deux Atrides partagent ses rires insolents !

TECMESSE.

Qu’ils rient donc, et qu’ils se réjouissent de ses maux ! Peut-être, quoiqu’ils ne l’aient point recherché vivant, ils pleureront sa mort à l’heure du combat. Ainsi les insensés ne connaissent le prix du bien qu’ils possèdent, qu’après l’avoir perdu. Cette mort, plus amère pour moi qu’agréable pour eux, a été douce pour Ajax ; car, en se la donnant lui-même, il a atteint l’objet de ses vœux. Qu’ont-ils à se railler de lui ? C’est par la volonté des dieux qu’il est mort, et non par la peur. Qu’Ulysse donc se livre à de vains outrages ! Ajax n’est plus au milieu d’eux ; c’est à moi qu’il a laissé, en partant, la douleur et les larmes.

(Elle sort.)



TEUCER.

Hélas ! malheur a moi !