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mer d’Icare, vienne se mêler à nous et me soit toujours propice.

(Antistrophe.) Mars a dissipé le délire funeste qui voilait les regards d’Ajax. Maintenant encore, maintenant luit un jour pur et brillant, ô Jupiter ! qui nous permet d’approcher des vaisseaux rapides, depuis qu’Ajax, oubliant ses douleurs, a rendu aux dieux avec un soin religieux les honneurs qui leur sont dus. Le temps vient à bout de tout, et rien ne peut plus me paraître incroyable, puisque Ajax a renoncé aux terribles querelles et à son ressentiment implacable contre les Atrides.



UN MESSAGER.

Amis, je veux vous apprendre une nouvelle ; Teucer arrive à l’instant des montagnes de la Mysie[1] ; et à peine était-il au milieu du camp, qu’il est outragé par tous les Grecs à la fois. Du plus loin qu’ils le virent s’avancer, ils l’entourèrent de tous les côtés et l’accablèrent d’injures, à l’envi, l’appelant le frère d’un furieux, conjuré contre l’armée, et disant que rien ne pourrait les empêcher de l’écraser sous une grêle de pierres. Enfin ils en vinrent jusqu’à tirer les épées hors du fourreau. Cependant la discorde, arrivée au comble de la fureur, s’arrêta, calmée par les paroles et l’intervention des vieillards. Mais où est Ajax, pour que je lui fasse ce récit à lui-même ? car il faut tout révéler à ses maîtres.

LE CHOEUR.

Il n’est point dans sa tente ; mais il vient de sortir, occupé de nouvelles pensées, conformes à son nouveau caractère.

LE MESSAGER.

Hélas ! hélas ! c’est trop tard que l’on m’a envoyé, ou je suis venu trop lentement.

LE CHOEUR.

Qu’a-t-on négligé de ce qu’il fallait faire ?

  1. L’Olympe, ou l’Ida.