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Ah ! personne ne voudrait-il me trancher la tête, et me délivrer d’une vie odieuse ? Hélas ! hélas !

LE VIEILLARD.

O fils de ce héros ! mes forces seraient impuissantes à le secourir ; viens donc toi-même à son aide ; car ton œil trouvera plus aisément que le mien les moyens de le sauver.

LA NOURRICE.

Me voici, je le touche de mes mains ; mais je ne saurais, ni par moi-même, ni par aucun autre, découvrir de remède qui lui fasse oublier ses douleurs. C’est Jupiter qui

les envoie.

HERCULE.

Mon fils, ô mon fils, où es-tu ? par ici, prends-moi par ici, soulève-moi. Hélas ! cruel destin ! il s’élance de nouveau sur moi, je le sens, il s’élance, ce mal qui me tue ! impitoyable, cruel ! ô Pallas, Pallas ! je sens ses nouvelles atteintes. O mon fils ! par pitié pour ton père, tire le glaive, plonge-le dans mon sein[1] ; on ne saurait t’en faire un crime. Guéris les maux qui causent mon délire, et que je dois à ta mère impie ! Puissé-je aussi la voir à son tour, en proie au même supplice[2] ! Frère de Jupiter, secourable Pluton, viens, assoupis-moi du sommeil de la mort ; ôte la vie à un infortuné.

LE CHŒUR.

Je frémis, chères compagnes, de voir tant d’infortunes rassemblées sur un si grand héros.

HERCULE[3].

Que d’épreuves, que de rudes travaux ont déjà exercé mes bras et mes épaules[4] ! Mais jamais encore, ni l’épouse de Jupiter, ni l’odieux Eurysthée ne me furent si

  1. Littéralement : « frappe-moi à la clavicule. »
  2. Voir encore Philoctète, v. 794-5, et 1040-2.
  3. Tout ce passage, dans lequel Hercule mourant exhale ses plaintes, a été traduit par Cicéron, Tusculanes, II, 8-9, jusqu’au vers 1103 ; on trouvera cette imitation à la fin de la pièce. On peut en rapprocher aussi l’imitation d’Ovide, Métam. IX, 176-204.
  4. Allusion au soulagement qu’il procura au géant Atlas, fatigué de porter le ciel sur ses épaules.