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De quel côté est le sort le plus funeste ? hélas ! je ne saurais le décider.

(Antistrophe l.) Ici, nous avons un douloureux spectacle, là une attente cruelle ; spectacle ou attente également déplorables.

(Strophe 2.) Puisse un vent favorable, soufflant sur nos demeures, m’enlever loin de ces lieux[1], de peur que la seule vue du vaillant fils de Jupiter ne me fasse mourir aussitôt de terreur ! Car on dit qu’il revient devant ce palais, déchiré par des souffrances incurables, triste objet d’effroi !

(Antistrophe 2.) Il est donc près de nous, et son approche me fait gémir comme le rossignol plaintif. Voici, en effet, un cortège inaccoutumé d’étrangers. Où le portent-ils ? avec une sollicitude amie, ils s’avancent d’un pas lent et silencieux. Hélas ! il est lui-même sans voix. Que dois-je penser ? est-il mort, ou sommeille-t-il ?

(Ici l’on voit s’avancer le cortège qui accompagne le corps d’Hercule, que l’on apporte endormi sur le devant de la scène.)

HYLLOS.

Hélas ! mon père ! quel malheur me causent tes souffrances ! Que faire ? que résoudre ? Ah ! malheur à moi !

UN VIEILLARD.

Tais-toi, mon enfant, de peur de réveiller les cruelles douleurs d’un père furieux. Car il respire encore, quoique déjà voisin du trépas. Comprime, étouffe tes cris[2].

HYLLOS.

Que dis-tu, vieillard ? il vit ?

LE VIEILLARD.

Prends garde de le tirer de son assoupissement, et ne va pas ranimer une maladie terrible, délirante, ô mon fils !

  1. Les exemples de pareils vœux, de la part des malheureux, sont fréquents dans les poètes. Odyssée, XX, v. 63. Eschyle, Suppliantes, v. 792 et suiv. Hippolyte, v. 729 et suiv. Ion, v. 795 et suiv.
  2. Le texte dit : « en mordant tes lèvres. »