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TECMESSE.

Eurysacès ! c’est toi ! c’est toi qu’il appelle ! Que veut-il ? où es-tu ? malheureuse que je suis !

AJAX.

Teucer ! où est Teucer ? sera-t-il sans cesse occupé à chercher du butin ? et cependant je meurs.

LE CHŒUR.

Il paraît recouvrer ses sens ; ouvrez les portes ; ma vue lui rendra peut-être quelque retenue.

TECMESSE.

Voici, je les ouvre, tu peux contempler ce qu’il a fait, et en quel état déplorable il est lui-même[1].



AJAX.

(Strophe 1.) Ô chers compagnons, mes seuls amis, les seuls qui restiez encore fidèles aux lois de l’amitié, regardez quels flots de sang ma fureur meurtrière a amoncelés autour de moi !

LE CHŒUR[2].

Hélas ! tu ne disais que trop vrai ; les faits attestent quel est son délire.

AJAX.

(Antistrophe 1.) Ô braves auxiliaires, habiles dans l’art nautique, dont la rame agile fait voler mes vaisseaux sur la mer, vous, les seuls de tous mes anciens appuis que je voie prêts à me secourir, allons, donnez-moi la mort.

LE CHŒUR.

Cesse ce langage funeste ; ne va pas, réparant un mal par un autre, aggraver notre malheur.

AJAX.

(Strophe 2.) Voyez-vous ce guerrier si brave, au cœur

  1. Ici, les portes de la tente s’ouvrent, au moyen de l’ekcyclème, et l’on voit Ajax sanglant au milieu des troupeaux égorgés.
  2. Le dialogue du Chœur et de Tecmesse, qui entrecoupe ces chants lyriques d’Ajax, est toujours en ïambes trimètres.