Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/447

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

leur vie dans l’esclavage. O Jupiter, qui détournes les malheurs, puissé-je ne jamais te voir étendre ainsi ta main sur ma race, ou qu’au moins, si tu dois le faire, ce ne soit pas de mon vivant ! Telles sont les craintes que m’inspire la vue de ces femmes. O toi[1], jeune et tendre victime, qui es-tu ? vierge, ou mère ? Ton âge semble dire que tu ne portes pas encore ce titre, mais ton extérieur décèle une noble naissance. Lichas, de quelle famille est cette jeune étrangère ? quelle est sa mère ? quel père lui a donné le jour ? Parle, car j’éprouve la plus vive pitié pour elle, qui seule montre une âme si forte dans son malheur.

LICHAS.

Que sais-je donc ? pourquoi m’interroger ? peut-être parmi celles de cette ville, sa naissance n’est-elle pas des plus obscures.

DÉJANIRE.

Ne serait-elle pas de la race des rois, du sang d’Eurytos ?

LICHAS.

Je ne sais, je n’ai pas pris de longues informations.

DÉJANIRE.

N’as-tu pas même appris son nom de quelqu’un de ses compagnons du voyage ?

LICHAS.

Nullement ; j’ai rempli ma mission en silence.

DÉJANIRE.

Eh bien ! réponds toi-même, jeune infortunée ; car c’est aussi un malheur, que de nous laisser ignorer qui tu es.

LICHAS.

N’espère pas qu’elle rompe le silence plus qu’elle n’a fait jusqu’ici ; le moindre mot n’est pas encore sorti de sa bouche ; mais tout entière à son infortune, elle n’a cessé de verser des pleurs, depuis qu’elle a quitté sa

  1. Ici, Déjanire s’adresse à la jeune Iole.