Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/418

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
ULYSSE.

Vois-tu cette main sur la garde de mon épée ?

NÉOPTOLÈME.

Et la mienne de même[1], sans plus tarder.

ULYSSE.

Poursuis donc, je te laisse ; mais je vais tout dire à l’armée, elle saura te punir.

NÉOPTOLÈME.

Tu es revenu à la prudence, et si tu agis toujours aussi prudemment, tu n’auras nul péril à craindre[2]. Toi, fils de Pœas, Philoctète, je t’appelle, sors de cette grotte.



PHILOCTÈTE.

Quels cris tumultueux se font entendre encore une fois devant la grotte ? Vous m’appelez ? que désirez-vous de moi, étrangers ? Hélas ! coup funeste[3] ! Venez-vous ajouter encore quelque désastre à mes maux ?

NÉOPTOLÈME.

Sois sans crainte, et écoute ce que je viens te dire.

PHILOCTÈTE.

J’ai lieu de craindre ; car déjà c’est pour m’ être fié à tes belles paroles qu’il m’est arrivé malheur.

NÉOPTOLÈME.

N’est-il donc pas possible de se repentir ?

PHILOCTÈTE.

Tel était ton langage, quand tu m’as dérobé mes armes, ta sincérité feinte cachait ta perfidie.

  1. Littéralement : « eh bien ! tu vas me voir en faire autant.... »
  2. Littéralement : « tu pourras avoir le pied hors des pleurs. » Eschyle a dit aussi, Prométhée, vers 264 :
    ῍Οστις πημὰτων ἔξω πόδα ὲχει
    Choéphores, 607 :
    ῎Εξω κομἰζων όλεθρἱου πηλοῦ πόδα
    « Portant le pied hors d’une fange funeste. »
  3. Il joue sur les mots τοῦ κεχρημένοι ; « que désirez-vous ? » et κακὸν τὰ χρῆμα, nom dérivé du verbe, sous lequel il donne à sous-eutendre le sens de désir.