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sous la direction d’Ulysse, porté un secours commun à ses amis.

PHILOCTÈTE.

(Antistrophe 2.) Oiseaux de proie ! races de bêtes sauvages aux yeux brillants, qui vivez sur la montagne, et que renferme cette contrée, en sortant de vos retraites, vous ne m’approcherez plus pour prendre aussitôt la fuite, car mes mains n’ont plus leurs flèches jadis redoutées, infortuné que je suis aujourd’hui, mais ce lieu mal défendu n’est plus à craindre pour vous. Approchez à présent, vous pouvez assouvir à votre gré votre bouche avide de vengeance avec mes chairs meurtries ; car je vais bientôt quitter la vie. D’où tirerais-je, en effet, ma nourriture ? Qui pourrait vivre de l’air, et privé des productions que la terre tire de son sein ?

LE CHŒUR.

Au nom des dieux, si tu as quelque respect pour les droits de l’hospitalité, viens à moi, qui vais vers toi avec une bienveillance si entière. Sache donc, sache bien qu’il dépend de toi de te délivrer de ce mal fatal. Il est, en effet, déplorable à nourrir, et supporter les douleurs infinies qu’il engendre surpasse les forces humaines !

PHILOCTÈTE.

Ah ! tu renouvelles mes anciennes douleurs, ô le meilleur de tous ceux qui jamais abordèrent dans cette île, pourquoi me faire mourir ? que m’as-tu fait ?

LE CHŒUR.

Que dis-tu là ?

PHILOCTÈTE.

Oui[1], si tu as espéré m’emmener vers cette Troie que j’abhorre.

LE CHŒUR.

Je crois, en effet, que c’est le meilleur parti à prendre.

PHILOCTÈTE.

Eh bien ! quittez-moi à l’instant.

  1. Philoctète veut dire : « Oui, tu me fais mourir, si... »