Page:Sophocle - Tragédies, trad. Artaud, 1859.djvu/41

Cette page a été validée par deux contributeurs.

(Antistrophe.) Car jamais de ton propre mouvement, fils de Télamon, tu n’aurais eu la malheureuse idée d’attaquer ainsi des troupeaux : il faut qu’un dieu t’ait infligé ce coup funeste. Que du moins Jupiter et Apollon répriment les propos outrageants des Grecs. Si c’est une calomnie clandestinement semée par les Atrides, ou par un rejeton de la race infâme de Sisyphe[1], ô roi, je t’en conjure, ne reste pas plus longtemps ainsi enfermé dans ta tente au bord de la mer, en butte à des bruits insultants.

(Épode.) Lève-toi donc, sors de cette retraite où tu languis depuis trop longtemps dans l’inaction, loin des combats, fomentant le mal fatal envoyé du ciel. Cependant l’insolence de tes ennemis se déchaîne sans crainte, comme le feu allumé dans un bois par les vents, tous lancent sur toi des sarcasmes amers, et moi je suis en proie à la douleur.



TECMESSE.

Défenseurs des vaisseaux d’Ajax, issu de l’antique Érechthée[2], quel sujet de pleurs pour nous qui prenons intérêt à la noble famille de Télamon ! Cet Ajax si grand, si redoutable[3], le voilà abattu par un violent délire !

LE CHŒUR.

Quelle accablante infortune cette nuit a-t-elle donc

  1. Ulysse avait pour mère Anticlée qui, déjà fiancée à Laërte, passait pour avoir été violée par Sisyphe. Voir un fragment d’Eschyle, Ὂπλων κρίσις, Jugement des armes (fragm. 148 ; éd. Didot) ; le Cyclope d’Euripide, v. 103-4 : « Ulysse d’Ithaque, le roi des Céphaloniens. — Je connais un moulin à paroles, odieuse race de Sisyphe. »
  2. On sait les titres fabuleux que Solon fit valoir pour assurer à Athènes la possession de Salamine : on les trouve dans Plutarque, Vie de Solon, c. 13. Ajax avait à Athènes un autel, que Pausanias y vit encore (Attica, c. b). Les familles de Miltiade et d’Alcibiade rattachaient même leur origine à la postérité d’Ajax. (Plutarque, Vie d’Alcibiade, c. 5, et Marcellin, Vie de Thucydide, c. 4.)
  3. Le texte ajoute : « Aux robustes épaules. » C’est une épithète homérique, Iliad., III, 225.