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NÉOPTOLÈME.

Rassure-toi ; nous resterons.

PHILOCTÈTE.

Vraiment, tu resteras ?

NÉOPTOLÈME.

N’en doute pas.

PHILOCTÈTE.

Je ne crois pas devoir te lier, mon fils, par un serment[1].

NÉOPTOLÈME.

Aussi bien ne m’est-il pas loisible de partir sans toi[2].

PHILOCTÈTE.

Donne-moi ta main pour gage de ta foi.

NÉOPTOLÈME.

Je te la donne que je resterai.

PHILOCTÈTE.

Là-bas maintenant, là-bas....

NÉOPTOLÈME.

Où dis-tu ?

PHILOCTÈTE.

Là haut....

NÉOPTOLÈME.

Ta raison s’égare encore ? Pourquoi ces regards levés vers le ciel ?

PHILOCTÈTE.

Laisse-moi, laisse-moi aller...

NÉOPTOLÈME.

Où te laisser aller ?

PHILOCTÈTE.

Mène-moi[3]...

  1. Dans Œdipe à Colone, vers 650, Œdipe dit aussi à Thésée : « Je ne te lierai point par un serment, comme un trompeur, »
  2. Ici, comme en quelques autres passages, le langage de Néoptolème est à double entente : Philoctète y voit des marques d’intérêt pour lui, et le spectateur comprend qu’il s’agit du projet d’Ulysse, et de l’oracle qui a promis à Néoptolème qu’il s’emparerait de Troie, avec le concours de Philoctète.
  3. On a supposé que Philoctète voulait aller sur le mont Mosyclos, qui renfermait un volcan (voir plus haut la note sur le vers 800), sans doute pour s’y précipiter. L’explication la plus probable de ces paroles entrecoupées, c’est que Philoctète demande à être conduit dans sa grotte, qui était en effet sur une hauteur. La violence de la douleur ne lui permet pas de s’expliquer plus complétement, jusqu’au moment où il tombe épuisé, et s’endort.