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NÉOPTOLÈME.

Tu ne penses donc pas qu’il est honteux de mentir ?

ULYSSE.

Non, si le mensonge est un moyen de salut.

NÉOPTOLÈME.

De quel front oses-tu parler de la sorte ?

ULYSSE.

Dès qu’il y a quelque profit à faire, il n’y a point à hésiter[1].

NÉOPTOLÈME.

Mais quel profit y a-t-il pour moi à l’emmener devant Troie ?

ULYSSE.

Ses flèches seules peuvent prendre Troie.

NÉOPTOLÈME.

Ce n’est donc pas moi qui dois la renverser, comme vous le prétendiez ?

ULYSSE.

Tu ne peux vaincre sans ces flèches, ni ces flèches sans toi[2].

NÉOPTOLÈME.

Il faut donc s’en emparer, s’il en est ainsi.

ULYSSE.

Si tu réussis, une double récompense t’est réservée.

NÉOPTOLÈME.

Lesquelles ? Si je les connais, je n’hésiterai pas.

ULYSSE.

Tu aurais à la fois le renom d’habile et de brave.

NÉOPTOLÈME.

Soit ! j’agirai, abjurant toute honte.

ULYSSE.

Te rappelles-tu les avis que je t’ai donnés ?

  1. Dans l’Électre, v. 61, Sophocle a dit aussi :
    Δοκῶ μὲν οὺδὲν ῤῆμα σὺν κέρδει κακόν.
    « Aucune parole n’est de mauvais présage, si elle est utile. » Mais ici Ulysse

    veut justifier par cette maxime une supercherie coupable ; dans l’Électre,

    Oreste l’oppose à une vaine superstition.
  2. Voyez plus bas, vers 1435, dans le discours d’Hercule, au dénoûment.