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CRÉON.

Fais maintenant de l’esprit sur les soupçons ; mais si vous ne me révélez les coupables, vous pourrez bien dire : Les gains honteux portent malheur[1].

LE GARDE.

Je souhaite de grand cœur qu’on les trouve, mais qu’ils soient découverts ou non, et c’est la fortune qui en décidera, je proteste que tu ne me reverras plus ici. A présent, en effet, sauvé contre toute espérance, je dois aux dieux bien des actions de grâces.


LE CHŒUR.

(Strophe 1.) Entre toutes les merveilles, il n’est rien de plus merveilleux que l’homme. Il traverse la mer blanchissante sous le souffle orageux du Notos, et affronte les vagues retentissantes ; et la plus grande des divinités, la Terre éternelle, il sillonne son sein inépuisable, retourné chaque année par le soc de la charrue, que traînent des chevaux vigoureux[2].

[Antistrophe 1.) Par son génie inventif, l’homme attire dans ses pièges l’oiseau à l’esprit léger et la bête farouche, et enveloppe dans ses filets et les peuplades des animaux sauvages, et les habitants des eaux ; il dompte, par d’habiles ruses, les bêtes errantes dans les champs ou sur les montagnes, et il soumet au joug[3] le coursier à l’épaisse crinière et le taureau indompté.

(Strophe 2.) Il s’est approprié la parole et la pensée rapide comme le vent, et s’est formé des mœurs sociables ; il a appris à se garantir sous un toit contre les traits glacés des frimas et contre les torrents de pluie ; son

  1. Ici Créon quitte la scène, et les dernières paroles du garde ne sont pas entendues de lui.
  2. Ovide, Métam. II, 286, fait ainsi parler la Terre :
    Adunci vulnera aratri
    Rastrorumque tfro, toto que exerceor anno.
  3. ἀμφὶ λόφον : qui tombe de chaque côté.