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mon esprit, que j’ai été lent à faire la route[1], et voilà comment un court chemin est devenu long. Enfin, pourtant, la résolution de venir vers toi l’a emporté, et quoique la chose que j’ai à dire soit de peu d’importance, cependant je parlerai ; car je viens guidé par l’espoir qu’il ne m’arrivera rien qui ne soit réglé par la destinée.

CRÉON.

Qu’y a-t-il donc qui t’inspire un tel découragement ?

LE GARDE.

Je veux te dire d’abord ce qui m’est personnel ; je n’ai ni fait la chose, ni vu quel était celui qui l’a faite ; et il ne serait pas juste qu’il m’en arrivât malheur[2].

CRÉON.

Vraiment tu prends bien des peines, et tu enveloppes l’affaire de grandes précautions ; il faut que tu aies quelque étrange nouvelle à m’annoncer.

LE GARDE.

C’est qu’en effet les mauvaises nouvelles inspirent beaucoup de crainte[3].

CRÉON.

Ne parleras-tu pas enfin , pour t’en aller ensuite, une fois acquitté de ce devoir ?

LE GARDE.

Eh bien ! je vais parler : quelqu’un tout à l’heure a enseveli le mort, et a disparu, après avoir répandu sur le corps de la poussière sèche, et accompli les pieuses cérémonies.

  1. Plusieurs éditeurs, entre autres Dindorf, adoptent ταχὺς au lieu de βραδύς, ce qui signifierait alors : « tout bon marcheur que je suis. »
  2. Dans l’Eunuque de Térence, acte V, sc. 5, v. 9-10, l’esclave Parménon dit de même :
    Here, primum te arbitrari id, quod res est velim :
    Quidquid hujus factum est, culpa non factum est mea.

    et Sostrata, dans l’Heautimorumenos, acte V, sc. 1 ; v. 10 :

    Primum hoc te oro, ne quid credas me adversum edictum tuum
    Facere esse ausam.
  3. Á celui qui les apporte.