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Partez sur-le-champ, comme je l’ai ordonné. Pour cet homme, si je cédais à ma juste colère, il ne s’échapperait pas vivant de mes mains ; mais il sera traité selon les lois qu’il est venu apporter lui-même[1]. Jamais tu ne sortiras de cette terre, avant de m’avoir rendu ici même ces jeunes filles ; car ta conduite est offensante pour moi, et indigne de ta famille et de ta patrie, toi qui entres dans une ville gouvernée par la justice, où rien ne se fait que par les lois, et oses, au mépris des institutions de ce pays, fondre ainsi sur ce qui te plaît, comme sur une proie, et t’en emparer par la violence ! Tu as cru sans doute que je régnais sur une ville sans citoyens, peuplée d’esclaves, et que je comptais pour rien ? Cependant ce n’est pas à Thèbes que tu as reçu ces honteuses leçons ; car sa coutume n’est pas de former des hommes injustes, et elle ne t’approuverait pas d’avoir pillé mon territoire et les asiles des dieux, et enlevé violemment de malheureux suppliants. Pour moi, si j’entrais dans tes États, eussé-je tous les droits possibles, je ne voudrais rien ravir, rien enlever, sans l’aveu du chef du pays, quel qu’il fût, et je saurais comment un étranger doit agir envers les habitants. Mais toi, tu déshonores ta patrie, qui ne le mérite pas, et les années, en amenant la vieillesse, ne t’ont pas donné le bon sens. Je l’ai déjà dit, et je le répète encore à présent, que l’on ramène au plus tôt ces jeunes filles, si tu ne veux être retenu malgré toi dans ce pays[2], et ce que je te dis là, c’est mon esprit aussi bien que ma langue qui le prononce.

LE CHŒUR.

Vois-tu, étranger, où tu en es réduit ? Ta naissance te fait croire honnête, et ta conduite est celle d’un pervers.

  1. Lui, qui enlève les suppliants d’une terre étrangère, sera enlevé lui-même sur une terre étrangère, et restera captif jusqu’à ce qu’il les ait rendus.
  2. Μέτοικος, étranger qui habite un pays dont il n’est pas originaire. Les métèques formaient une classe distincte de la population d’Athènes.