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ravis le guide[1] qui me tenait lieu des yeux que j’arrachai moi-même. Puisse le Soleil, qui voit tout, réserver dans ta vieillesse, à toi et à ta race, une vie semblable à la mienne !

CRÉON.

Vous le voyez, habitants de ce pays !

ŒDIPE.

Ils te voient ainsi que moi, et savent qu’à des outrages réels je n’oppose que des paroles.

CRÉON.

Non, je ne puis retenir ma colère, mais je l’entraînerai de force, quoique je sois seul et affaibli par la vieillesse.

ŒDIPE.

(Antistrophe.) O malheureux que je suis !

LE CHŒUR.

À quel degré d’audace en es-tu venu, étranger, si tu crois accomplir un pareil projet ?

CRÉON.

Je le crois.

LE CHŒUR.

Je ne compterai donc plus Athènes pour une grande cité !

CRÉON.

Avec la justice, le faible triomphe du puissant.

ŒDIPE.

Entendez-vous ses menaces ?

LE CHŒUR.

Il ne les exécutera pas.

ŒDIPE.

Jupiter le sait, mais toi, tu n’es pas devin.

LE CHŒUR.

N’est-ce pas là un outrage ?

CRÉON.

Oui, un outrage, mais il faut le souffrir.

  1. Ψιλὸν ὄμμα, cet œil faible. C’est Antigone, qui voyait pour elle et pour son père.