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faute de ceux qui m’ont persécuté sciemment[1]. Étrangers, je vous conjure donc, au nom des dieux, de ne pas violer la foi sur laquelle j’ai compté en quittant cet asile, et, sous prétexte d’honorer les dieux, de ne pas les outrager en effet ; songez qu’ils ont les yeux ouverts sur l’homme juste et également ouverts sur les impies, et que jamais le mortel coupable n’a échappé au châtiment. Fidèles à leur loi, ne ternissez pas la gloire d’Athènes par des actions coupables. Mais puisque vous avez accueilli le suppliant qui s’est fié à votre foi, sauvez-moi, protégez-moi, et n’insultez pas mon front en le voyant défiguré ; car je viens à vous comme un homme pur et sacré, et j’apporte à cette cité de précieux avantages. Mais lorsque le chef qui vous commande, quel que soit ce maître, sera venu, alors vous saurez tout de moi ; jusque-là ne me manquez pas de foi.

LE CHŒUR.

Les raisons que tu as exposées, vieillard, me commandent le respect ; car tu as prononcé de graves paroles ; mais il me suffit que les rois de cette contrée en décident.

ŒDIPE.

Mais, étrangers, où réside le roi de ce pays ?

LE CHŒUR.

Il habite la ville de ses pères ; le même messager qui m’a envoyer en ces lieux est allé le prévenir.

ŒDIPE.

Pensez-vous qu’il ait quelque égard ou quelque intérêt pour un vieillard aveugle, et qu’il consente à venir lui-même ?

LE CHŒUR.

Assurément, lorsqu’il aura entendu ton nom.

ŒDIPE.

Et quel est donc celui qui l’instruira ?

  1. Laïus et Jocaste avaient donné l’ordre de faire périr Œdipe : de là l’abandon de son enfance, l’ignorance où il resta de ses véritables parents, et ses deux crimes involontaires.