mande votre compassion pour ce malheureux. En vous, comme en un dieu, nous plaçons notre espoir ; accordez-nous une faveur inespérée. Je t’implore par ce que tu as de plus cher, ton enfant, ta promesse, l’office que tu remplis en ces lieux[1], le dieu que tu adores. Car, en regardant bien, tu ne saurais trouver un mortel qui puisse échapper au dieu qui le pousse.
Sois bien persuadée, fille d’Œdipe, que nous sommes également touchés de ton sort et du sien ; mais la crainte des dieux ne nous permet pas de rien ajouter à ce que nous t’avons déjà dit.
Que sert donc la gloire ou une brillante renommée, que ne justifient point les effets ? On dit qu’Athènes respecte religieusement les dieux, que seule elle a le pouvoir de sauver l’étranger malheureux, et seule de lui porter secours ; qu’est-ce que tout cela est devenu pour moi ? Après m’avoir attiré hors de l’asile que j’avais choisi, vous me chassez encore, par la seule crainte de mon nom ! Car ce n’est ni mon corps, ni mes actions que vous redoutez ; dans ces actions, j’ai été plutôt victime qu’acteur volontaire[2] : tu le comprendrais, si je pouvais t’ expliquer mes actes envers mon père et ma mère[3], objet de ton épouvante, je le sais trop bien. Cependant peut-on dire que je sois naturellement pervers, pour avoir rendu le mal qu’on m’a fait, moi qui, lors même que j’aurais agi avec intention, ne pourrais être appelé pervers[4] ? mais c’est à mon insu que j’ai fait ce que j’ai fait, tandis que j’ai succombé par la