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voyez, chefs de cette contrée ; autrement aurais-je besoin des yeux d’autrui pour me conduire, et serais-je réduit, si j’étais grand, à implorer un humble asile ?

LE CHŒUR.

(Antistrophe 1.) Hélas ! tu étais donc aveugle eh naissant, condamné au malheur, et depuis longtemps, à en juger par les apparences ? Mais du moins, autant qu’il est en moi, tu n’y ajouteras pas ces malédictions[1]. Tu franchis en effet les limites sacrées, tu les franchis ; garde-toi d’entrer dans ce bois silencieux et verdoyant, où une coupe toujours pleine d’eau et de miel est prête pour les libations ; prends garde, malheureux étranger, retire-toi, éloigne-toi ! une longue distance nous sépare ; entends-tu, déplorable exilé ? Si tu désires t’entretenir avec nous, sors d’abord de ce lieu interdit aux humains ; jusque-là garde le silence.

ŒDIPE.

Ma fille, quel parti prendre ?

ANTIGONE.

Mon père, il faut obéir et nous prêter de bonne grâce aux usages du pays.

ŒDIPE.

Soutiens-moi donc !

ANTIGONE.

Voici mon bras.

ŒDIPE.

O étrangers, ne me faites point de mal, quand pour vous obéir j’aurai quitté cet asile.

LE CHŒUR.

Jamais, vieillard, on ne t’arrachera violemment de ces lieux.

ŒDIPE.

(Strophe 2.) Avancerai-je encore ?

  1. C’est-à-dire le courroux des Euménides, si tu foulais plus longtemps le sol qui leur est consacré.