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ŒDIPE.

Te souviens-tu donc d’y avoir vu cet homme ?

LE BERGER.

Que faisait-il ? de quel homme parles-tu ?

ŒDIPE.

De celui qui est devant tes yeux ; ne l’as-tu jamais rencontré ?

LE BERGER.

Non, autant du moins que mes souvenirs me permettent de l’affirmer.

LE MESSAGER.

Il n’y a rien d’étonnant, ô maître ; mais je rappellerai clairement ses souvenirs effacés, car je n’en doute pas, il sait très-bien que dans les pâturages du Cithéron, il conduisait deux troupeaux, et moi je n’en avais qu’un ; nous restâmes ensemble trois mois entiers, depuis la fin du printemps jusqu’au lever de l’arcture[1] ; et l’hiver, nous ramenâmes nos troupeaux, moi, dans mes bergeries, lui, dans celles de Laïus. Y a-t-il dans tout ce que je dis quelque chose qui ne soit pas exact ?

LE BERGER.

Tu dis vrai, quoiqu’il y ait bien longtemps.

LE MESSAGER.

Dis-moi maintenant, te souviens-tu qu’alors tu me remis un enfant, pour l’élever comme le mien ?

LE BERGER.

Que veux-tu dire ? pourquoi me fais-tu cette question ?

LE MESSAGER.

Voici devant toi, mon cher, celui qui était alors enfant.

LE BERGER.

Ah ! misérable ! ne peux-tu donc te taire ?

  1. Étoile voisine de la grande Ourse. Pline (II, 47) dit qu’elle se lève onze jours avant l’équinoxe d’automne. Cela s’accorde avec le scholiaste, qui dit qu’elle se lève quand le soleil est dans le signe de la Vierge. Selon le Lexicon de Bekker, l’arcture est une des étoiles de la constellation du Bouvier. Presque tous les manuscrits donnent τρεῖς ἑμμήνους, trois mois. Porson a trouvé, dans un manuscrit de Cambridge, έκμήνους, ce qui donnerait alors trois semestres, en trois saisons de six mois.